
Comment devenir une fleuriste responsable ?
Mode ou prise de conscience globale? Quelles sont les bonnes pratiques en fleuristerie?
Aglaé HAMONIC
7/1/20256 min temps de lecture
Est-ce un sujet qui m’interpelle davantage maintenant que je me lance en tant que fleuriste ou bien est-ce réellement un sujet dont la société commence à se saisir ?
Tout le monde me semble-t-il, achète des fleurs de temps en temps. On ne se demande pas (ou peu) d’où viennent les fleurs, qui les a fait pousser et comment. Nous sommes de plus en plus vigilants quant à la provenance et au mode de production (bio ou non) des fruits et légumes alors pourquoi pas des fleurs ? On ne les ingère pas, mais elles peuvent avoir un impact sur notre santé et aussi sur l’environnement.
Alors que pouvons-nous faire en tant que fleuriste pour que nos créations soient porteuses de sens ? Et si la beauté que l’on partage pouvait s’accompagner d’un respect pour la nature, les producteurs et l’environnement ?
Le premier point à aborder, à mon sens, est la provenance des fleurs. D’où viennent-elles ?
Saviez-vous que 80% des fleurs vendues en France proviennent de l’étranger, majoritairement de Hollande, du Kenya ou encore d’Equateur ? Aussi, nous pouvons commencer par réduire les distances parcourues pour nous fournir en fleur et ainsi réduire notre impact carbone. "Local" n'est pas toujours synonyme de "proche". Réduire la distance d’approvisionnement à la France est déjà un beau challenge.
Dans le « Livre Blanc de la Traçabilité de la fleur coupée » réalisé par l’Union Nationale des Fleuristes en 2023, Stéphane Layani, PDG du Marché International de Rungis SEMMARIS, nous apprend que seulement « 15 % des fleurs vendues en France sont produites dans le pays. Parmi elles, une grande partie est destinée aux maisons de cosmétiques pour faire du parfum ». Il ajoute que « 80% des fleurs produites dans le pays sont des pivoines, anémones et renoncules. Il faut donc apprendre au consommateur à aimer ces fleurs pour soutenir la production française. » et c’est justement le projet du Collectif de la Fleur Française.
Cette association au service de la fleur locale et de saison regroupe des producteurs et des fleuristes engagés. C’est un bon repère pour consommer (et proposer) autrement, et un excellent levier pour communiquer sur une démarche éthique. Il existe d’autres labels, comme Le label Fleurs de France, qui atteste de l’origine française de différents produits végétaux de la filière, ainsi que d’un engagement écoresponsable de la part des producteurs.
Le second point à prendre en compte concerne directement la culture des fleurs.
Les fleurs ne sont pas juste belles, elles sont aussi le fruit d’un travail agricole. Et comme pour les fruits et légumes, tout dépend de comment elles ont été cultivées.
Pour moi, chercher à consommer local signifie aussi respecter les saisons. Une fleur de saison, c’est une fleur qui pousse naturellement sans artifices énergivores, cela revient à accepter de ne produire que de mars à novembre dans beaucoup de régions. Et justement, le CFF (Collectif de la Fleur Française) a publié des tableaux pour s’y retrouver. Je vous mets ici celui de la région Ile-de-France (où je me situe !). C’est très instructif et cela permet de valoriser des fleurs parfois mises de côté. Cliquez ici pour découvrir les calendrier des fleurs de saison du Collectif de la Fleur Française.
Un autre défi concerne les pesticides et la culture biologique.
Pour rappel, «l’agriculture biologique a recours à des pratiques de culture et d’élevage soucieuses du respect des équilibres naturels. En effet, elle exclut l’usage des produits chimiques de synthèse, des OGM et limite les intrants », Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, 2022.
Même si les fleurs ne sont pas (toujours) comestibles, leur mode de production peut avoir un impact sur notre santé et celle de nos enfants. C’est pour cela que l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) a annoncé le 20 janvier 2024 lancer une étude sur l'exposition aux pesticides des fleuristes car saviez-vous qu’il n’y a pas de limite réglementaire de résidus pour ces produits dans les fleurs ? Le règlement (CE) n° 396/2005 s’applique aux produits d’origine animale ou végétale destinés à la consommation humaine ou animale, donc pas aux fleurs, mais il existe bel et bien une filière bio en France pour la fleur coupée.
Dans son article « Produire des fleurs coupées en agriculture biologique (AB) en France : la quadrature du cercle ? », Léa Benoit fait plusieurs constats concernant la production de fleurs bio :
- il existe un manque évident de formations pour la production de fleurs coupées en AB en France ;
- il y a un fossé entre la réglementation en AB et la réalité de l’offre en semences, bulbes et plants labellisés. Cela implique de demander une dérogation pour pouvoir semer et planter des variétés non certifiées AB puis respecter une période de conversion. Une demande = une variété de fleur, la démarche est donc très chronophage et décourage certaines productrices ;
- un manque de valorisation de la production en AB qui se ressent sur les prix. Il est difficile de vendre des fleurs à un prix trop déconnecté des prix du marché traditionnel ;
- Qui dit fleurs coupées en AB, dit fleurs de saison. Or, la saisonnalité des fleurs est mal connue des consommateurs qui sont nombreux à vouloir des fleurs de contre-saison sans en avoir forcément conscience.
- Les producteurs en AB valorisent une production sans produit chimique, éphémère, avec des bouquets déstructurés, alors que les critères mis en avant habituellement sont plutôt la durée de vie en vase la plus longue possible, la standardisation et le calibrage.
La filière bio est donc bien existante mais elle rencontre un grand nombre de barrières qu’il reste à lever pour faciliter ce mode de culture et le généraliser.
Le dernier point sur lequel je suis encore en train de m’informer concerne les bons outils pour une pratique éthique.
En tant que fleuriste évènementiel il ne s’agit pas seulement de faire de beaux bouquets de fleurs mais aussi de créer des décors complets et cela nécessite un bon équipement. Les outils, les emballages, les supports comptent aussi.
En France, l’utilisation de la mousse florale est largement répandue. Il existe d’ailleurs une épreuve d’arrangement piqué au CAP fleuriste qui nécessite l’utilisation d’une brique de mousse florale, c’est dire si la formation n’est pas adaptée à la question écologique ! En effet, cette fameuse brique est certes, très pratique car elle s’accroche partout, mais elle est fabriquée à base de plastique. Même si une version « bio » est maintenant commercialisée (elle se dégrade à 91% en 3 ans dans un environnement anaérobie selon le site oasisfloral.fr) l’idée est de créer le moins de déchet possible. Il faudra donc s’orienter vers des contenants réutilisables, idéalement sans plastique - mais cela semble bien compliqué-, utiliser des ficelles naturelles comme le raphia, du papiers kraft, etc.
Cela demande un peu plus de réflexion, parfois d’ingéniosité, mais certaines techniques se développent et se généralisent, je pense notamment à l’utilisation du grillage à poule. Comme je suis encore en train de tester certaines de ces techniques, cela fera l’objet d’un prochain article !
Pour terminer ma réflexion sur comment être une fleuriste responsable, je me rends compte qu’il me reste encore beaucoup de cases à cocher et cela est parfois difficile tant cette pratique me semble encore assez marginale. Heureusement quelques superbes fleuristes avec une belle notoriété - je pense aux filles de Désirée, à Justine de Nebbia Studio ou encore à Chloé des Ephémères - se battent et communiquent pour promouvoir les bonnes pratiques et éveiller les consciences. A nous de nous lancer maintenant !
Aglaé
Bibliographie :
- Livre Blanc de la traçabilité de la fleur coupée, Union Nationale des Fleuristes, 2023, 100 pages
- Charte pour la promotion de la filière horticole ornementale et les aménagements paysagers en Île-de-France, Chambre d'agriculture d'Ile de France, actualisé en 2020
Webographie :
- Produire des fleurs coupées en agriculture biologique en France : la quadrature du cercle ? », Léa Benoit, Belgeo, 2022
- Collectif de la fleur française
- Pesticides : l'exposition indirecte des fleuristes peut être mortelle, Jean-Noël Jouzel & Giovanni Prete 16/10/2024,
- https://agriculture.gouv.fr/fleurs-plantes-arbres-quels-sont-les-labels-de-qualite
- https://agriculture.gouv.fr/le-label-plante-bleue-gage-deco-responsabilite

